Il y a 60 ans, le 31 janvier 1961, Ham un chimpanzé est envoyé en vol suborbital pendant environ 6 minutes
afin de tester si les capacités cognitives ne sont pas altérées par les conditions spatiales, pour peut-être
y envoyer un jour des humains.
Ham nommé initialement chimpanzé 65, est un astrochimp. Il fait partie d’une longue liste d’animaux utilisés
par l’aérospatial américain et soviétique dans les années 50.
Aux États-Unis le premier test est effectué en 1948, à l’époque la Nasa n’existe pas encore et c’est l’US
Air Force qui est chargé de la mission : recruter des macaques pour les envoyer dans l’espace.
Albert, est placé dans une capsule sur le nez d’une fusée V-2 et décèdera de suffocation avant d’atteindre
l’espace.
Un an après, Albert II prend place dans une nouvelle capsule. Il devient le premier singe à survivre à un
lancement, il atteint l’espace mais la descente est toute autre puisque la capsule se crashe avant que les
parachutes ne s’ouvrent. (La trace de l’accident est aujourd’hui toujours visible dans le désert du
Nouveau-Mexique)
En 1951, c’est Albert VI qui réussit un nouvel exploit, rester en vie du lancement jusqu’à l’atterrissage.
Mais il est discrédité car la capsule n’atteint pas la limite de l’espace.
Miss Baker un singe écureuil et Able un macaque seront les premiers à survivre véritablement à un
aller-retour Terre/Espace. Ils sont envoyés en 1958 sur un GM-19 Jupiter, missile balistique servant à
transporter des ogives nucléaires. Able décèdera quelques jours après son atterrissage à la suite de
complication médicale.
Du côté de l’URSS, ce sont des chiens errants qui sont utilisés pour tester les vols spatiaux. Entre les
années 50 et 60, pas moins de 57 chiens entrent dans le programme. Des dizaines sont lancés dans l’espace,
la plupart survécut, les autres ne rentrèrent jamais sur Terre et périrent à cause de failles techniques.
Les scientifiques russes choisissent les chiens pour leur capacité à rester de longues périodes inactifs.
Une partie de leur entraînement consistait à les enfermer dans des boîtes de plus en plus petites pour les
habituer à leur future capsule. L’enfermement durait entre 15 à 20 jours. Une autre partie de l’entrainement
consistait à les placer dans des centrifugeuses, conditions qui simulaient un lancement. Parmi tous les
chiens, les femelles étaient surtout choisies, car plus calme, docile et aussi pour des raisons purement
matérielles. La combinaison spatiale pour chiens qui collectait urine et excrément les empêchait de lever la
patte, ainsi que les petites capsules qui réduisaient énormément la possibilité de mouvement.
En 1951, le 22 juillet, Dezik et Tsygan sont les premiers à être envoyés en vol suborbital* à 100km
d’altitude. (*Un vol suborbital est la trajectoire d'un engin spatial se déplaçant à une vitesse
suborbitale, inférieure à la vitesse requise pour qu'il se maintienne en orbite basse.)
Tous deux reviennent sains et saufs. En septembre, Dezik fait un autre voyage en compagnie de Lisa, ils
meurent tous les 2. Smelaya doit aussi effectuer un vol en septembre mais s’enfuit le jour du lancement,
elle est retrouvée le lendemain et n’y échappera pas. Malychka l’accompagne.
Le 3 novembre 1957, c’est au tour de Laïka de faire son dernier voyage. Il s’agit de la plus connue car pour
une fois, elle voyagera seule mais surtout elle effectuera un vol orbitale à 1660 km, c’est à dire que le
retour sur Terre n’est pas prévu. En d’autres termes, Laïka sera sacrifiée. Elle est envoyée à bord de
Spoutnik 2, le deuxième satellite artificiel de la Terre. Il est commandé à la hâte par le 1er ministre
Khrouchtchev pour célébrer les 40 ans de la révolution soviétique. Spoutnik 2 en plus d’abriter une capsule
pour chien contient un satellite destiné à étudier les rayons cosmiques. Dans le corps de Laïka, les
scientifiques implantent des électrodes pour mesurer sa fréquence cardiaque ainsi que d’autres capteurs pour
la pression artérielle, les mouvements. Lors du lancement, le rythme cardiaque de Laïka est 3 fois plus
rapide que d’habitude, son rythme respiratoire a quadruplé, elle est terrifiée par le bruit et la pression
du vol. Mais elle s’accroche, le vaisseau atteint son orbite en faisant le tour de la Terre en 103 minutes.
Peu de temps après la 4ème orbite soit 5 à 7h après le lancement, le système de régulation de température du
satellite cesse de fonctionner. À ce moment là, la température dans la capsule augmente, jusqu’à dépasser
les 90 degrés, selon les simulations. Pendant plusieurs jours après le lancement, l’union soviétique
maintient une fiction sur le fait que Laïka a survécu.
Le 14 avril 1958, Spoutnik 2, devenu corbillard spatial se désintègrera dans l’atmosphère avec le cadavre de
Laïka à son bord. 5 mois de voyage en vaisseau fantôme.
Entre 1951 et 1966, l’URSS a lancé 71 fois des chiens errants dans l’espace. 17 d’entre eux sont morts. Le
programme spatial russe continue aujourd’hui encore d’envoyer des animaux mais contrairement à Laïka, plus
jamais vers une mort assurée.
Avec le projet Mercury, fin des années 50, les États-Unis ont pour objectif d’envoyer des humains dans
l’espace.
C’est alors que l’idée de recruter des chimpanzés apparait. Génétiquement proche de l’humain, doués d’une
grande intelligence et d’émotions complexes, les scientifiques pourrait enfin comprendre comment le voyage
est supporté. Pour cela les chimpanzés sont entrainés afin de tester leurs capacités cognitives dans des
conditions spatiales. Une quarantaine d’hominidé sont alors recrutés et envoyés à la base aérienne Holloman,
Nouveau-Mexique. On les prépare au voyage en leur apprenant à tirer sur un levier chaque fois qu’une lumière
bleue se déclenche. Une réussite est récompensée par un morceau de banane, à l’inverse c’est un choc
électrique sur les pieds. À la suite de ces tests, les meilleurs d’entre eux sont gardés, 4 femelles, 2
mâles. C’est finalement Ham, un mâle, qui est sélectionné pour son état d’esprit, considéré par le
vétérinaire comme fougueux et de bonne humeur. Il n’en fallait pas moins pour qu’il soit propulsé quelques
jours plus tard à bord de la mission Mercury-Redstone 2, deuxième vol opérationnel du programme Mercury.
Ham, alors à 250km d’altitude, réalise avec succès les tests logiques qu’il avait appris à faire pendant son
entraînement. À son atterrissage dans l’océan Atlantique, la capsule atterrit en dehors de la zone cible, à
60 milles du navire le plus proche. Ham, prisonnier dans sa capsule, commence à se faire submerger. Deux
heures plus tard, il est enfin secouru et ses confrères de la NASA le récompense avec une pomme et une
demi-orange. Après ce voyage chaotique, Ham put se reposer au parc national zoologique de Washington,
jusqu’à sa mort en 1983. Il fut enterré devant le musée de l’histoire spatiale d’Alamogordo au
Nouveau-Mexique.
Des mouches (drosophiles), des vers, des souris, des rats, des cochons d’Inde, des grenouilles, des
macaques, des singes-écureuils (saimiri), des chimpanzés, des chiens, des chats, des lapins, des tortues et
bien d’autres espèces ont été envoyés dans l’espace pour nous permettre, nous humains, de mieux
l’appréhender. Envoyés dans l’espace, pour certains vers une mort inévitable, étant désintégré dans
l’atmosphère ou jamais retrouvé dans l’océan.
Sur le site history.nasa.gov l’article sur les animaux se conclut par « Ces animaux ont rendu un service à
leurs pays respectifs qu’aucun être humain n’aurait pu ou voulu rendre. Ils ont donné leur vie et / ou leur
service au nom du progrès technique, ouvrant la voie aux nombreuse incursions de l’humanité dans
l’espace ».
Très belle façon de minimiser le sacrifice animal, au profit du progrès. Les activités spatiales humaines
reposaient à cette époque sur la capacité des animaux à survivre.
Et pourtant au 21ème siècle, les expériences spatiales avec animaux en vols habités sont encore à l’ordre du
jour. Le 28 janvier 2013 l’Iran publie une vidéo sur YouTube où l’on peut regarder un singe dans une fusée
se faire propulser à 116km d’altitude. Entre 2014 et 2018, SpaceX a envoyé sur l’ISS 80 souris pour
diverses études.