MÉMOIRE
ETERNALEXISTENCE
INFO.
Gloria’s phone
1min07
film, texte

Reconstitution digitale de la mort de Gloria. Personnage devenu public à la suite de son décès, sa mort, qui s’est déroulée dans des conditions «spectaculaires» a été relayée par les médias, pour en faire un symbole de tragédie. Elle gagnera, de manière posthume, 5000 abonnés sur son compte Instagram.

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Future Ghost
3min23
film, texte

Cette séquence tente de passer la frontière de l’au-delà numérique pour comprendre et voir ce qu’il se passe derrière l’écran. Après avoir traversé le reflet, la caméra se retrouve confrontée à un couloir de data center où le corps numérique du personnage décédé est stocké, disponible dans des disques durs. Sortir son corps digital du data-center est ici impossible. Après avoir traversé le couloir, la visite continue dans un cimetière : le data-center s’est mué en un espace de repos éternel où chaque drapeau commémoratif, enclin à accueillir son futur fantôme, est déjà planté.

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Hibernation Room
2min01
film, texte

Comment le corps numérique est-il sauvegardé ? Que font les vivants des traces numériques de leurs proches ? Hibernation Room est une séquence spéculative pour tenter d'entrevoir ces questions. Il y a l’étape de la mort qui amène encore une fois la caméra à passer à travers un écran. L'écran en tant que frontière qui symbolise le passage d’un état à l’autre, corps vivant à corps mort : les deux étant liés au corps digital persistant. Derrière l’écran se trouve une salle d’attente, faisant référence au film Soleil Vert de Richard Fleischer. Le mort en tant que corps digital attend que ses proches s’occupent de lui, qu’ils mettent à jour ses données, ses profils. Enfin, le corps digital peut se reposer éternellement dans la salle d’hibernation, alimentée en eau, air conditionné et énergie.

Still There
1min02
film, texte

Still There s’inspire de Replika, application de discussion avec une IA qui est censée nous remplacer après notre mort. L’idée d’un double qui prendra notre place pour rassurer nos proches semble ici devenue un cauchemar, comme si la machine était détraquée, la conversation recommence encore et encore, pour l’éternité…

Tomb Cloud
2min31
film, texte

Cette séquence tente d’inventer un espace de stockage et de recueillement. Tomb Cloud se présente comme un serveur où stocker ses souvenirs de son vivant, pour plus tard être un espace pour ceux qui restent afin d’y déposer leurs hommages, ou de venir commémorer le défunt. L’idée du testament numérique fait son apparition sur les portes du cénotaphe. Entre en jeu des questions liées à la légation, à l’héritage et au fait d’occuper un espace digital après sa mort.

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Eternal Urn
PVC 12x16cm
vidéo, objet, texte, photos

L'urne funéraire est ici repensée pour accueillir le corps physique et le corps numérique. Rassemblés en un seul objet, le mort et son databody peuvent être visités et invoqués dans un même espace. L'urne possède sa propre borne wifi auquel il suffit de se connecter pour commémorer le défunt, communiquer avec lui et accéder à ses archives numériques. Cette disponibilité du data body permet de contrer la surabondance d'informations disponible en ligne qui pèsent écologiquement sur notre territoire. Ainsi, les datas en lignes sont effacées pour être uniquement stockés dans l'urne.

Digital Testimony
PVC 19.5x36cm
objet, texte, photos

Le testament numérique est extrait de la video Tomb Cloud. Il est ici gravé dans une plaque funéraire pour tenter d'entrevoir la matérialité de nos données.

voir Tomb Cloud

Infinity Flag
Polyester, 100x70cm
objet, texte, photos

Infinity Flag est un objet annonciateur. Il expose le fait que nos datas numériques, soit disant "virtuelles" sont stockées indéfiniment sur notre territoire. La position du drapeau est statique dans l'espace physique pour symboliser l'idée que nous sommes présents sur Terre, que nos corps numériques sont stockés, figés dans des data-centers. À l'inverse du film Future Ghost, où les drapeaux sont en mouvement dans l'espace numérique, correspondant aux flux des réseaux.

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Data Bodies
collection, réalité augmentée
fichiers 3D, photos, texte
Mémorial 13.11
1h08sec
musique, vidéo
Gloria in afterlife
2min26, fr
texte

En juin 2017, un incendie à Londres ravage la Grenfell Tower, bâtiment de type social où 72 personnes ont perdu la vie. Trois jours après les évènements, un article de L'Obs se glisse dans mon fil d'actualité Facebook. Il relate la mort tragique d'un jeune couple d'italiens, Gloria et Marco, décrivant en détail la fin abominable de leur existence, jusqu'à leur dernier souffle.

L'article retrace le dernier échange téléphonique de Gloria à sa mère, avec pour titre "J'avais toute la vie devant moi" : les derniers mots d'un couple tué dans l'incendie de la tour à Londres. Cet article cherche l'affect de ses lecteurs pour créer de l'audience et je me laisse aller à le lire. Des photos prises du compte Instagram de Gloria illustrent l'article, donnant en hyperlien, un accès direct à sa vie semi-privée en ligne. Une partie de sa vie numérique, publiée sur un média d'actualités, change de statut pour devenir publique et médiatique. En donnant à voir la vie privée de Gloria, il se produit instinctivement un rapport d'identification envers elle, le visiteur des réseaux intimes s'insère dans des milieux préservés, dans des écosystèmes qu'il n'aurait sans doute jamais visités de lui-même, ne connaissant pas jusqu'alors la simple existence de la victime. En rapport avec mes recherches, je deviens ce visiteur des réseaux. Comme beaucoup de personnes qui ont lu l'article, je peux me reconnaitre en Gloria. Et comme beaucoup je franchis un espace dans lequel je n'étais pas invitée, mais où le média L'Obs nous forçait à nous introduire. Son compte n'est pas privé, mais seulement ceux qui la connaissent sont abonnés à son profil, n'étant pas jusqu'alors une personnalité publique. Elle publie des photos de ses amis, de sa famille, de ses dessins, de sa nouvelle vie à Londres. Cette imagerie banale et commune publiée par une personnalité de type inconnu, se fond normalement dans la masse d'Instagram. Mais à sa mort, devenant malgré elle la figure de cet incident, l'image de cette tragédie, son compte se voit privatisé par des comportements non habituels.

Gloria est décédée. Anonyme, perdue dans la masse de son vivant ; elle devient à sa mort un exemple de tragédie contemporaine. Dans l'article de L'Obs, les 70 autres personnes ayant perdu la vie ne sont pas citées. L'article s'empare seulement de Gloria, l'image accessible d'une jeunesse en ligne. Je plonge alors dans son espace, dans son intimité numérique. En scrollant sa vie numérique, je veux comprendre ce qu'il s'est passé, peut-être apprendre à la connaitre avant qu'elle ne tombe dans l'oubli. En analysant les différentes activités sur ses dernières photos publiées, je lis des commentaires très récents de personnes qui ne lui semblent pas familières. Elles ont un langage froid et distant, une forme non personnelle, quelques caractères leur suffisent pour adresser leurs condoléances. Ces visiteurs des réseaux ne sont pas seulement passifs, ils ne font pas que survoler la surface de l'écran, ils persistent et s’introduisent de manière lisible dans son espace intime, dans un espace qui ne leur était pas réservé, avec la tentative de légitimer une certaine empathie à l’égard d’un mort qui jamais ne lira ce message. On peut observer leurs intrusions à travers les nombreux R.I.P. ou le message de mkl_95 : elle était belle dommage .

J’ai décidé d’ouvrir cette porte mais je n'ai pas été invitée. Comme on s’introduirait chez un inconnu, j’ai l’impression que les acteurs des réseaux sociaux, les messagers des temps modernes sont en train de contaminer un espace dans lequel ils n’étaient pas conviés. Mais peut-être s'agit-il aussi d'une forme d’hommage contemporain qui entre en jeu à l’instant même où les inconnus deviennent des proches par le fait qu’on accède de manière directe à leur vie intime. Son compte gagnant en popularité, passe de 300 à plus de 5000 abonnés.

voir Gloria's phone

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